C’est lorsque je n’ai pas le temps de faire quelque chose, (comme en ce moment –je devrais être en train de corriger les copies de mes étudiants-) compressé par l’étau des responsabilités, que je la fais cette chose que je ne dois pas faire. Continuer l’écriture de mon roman, écrire un poème, répondre à un courriel, prendre une douche, flâner.
Cela vient du fait que je travaille comme une tête sans poule, dans tous les sens à la fois, mais cela m’a longtemps paru comme l’exigence de l’urgence. J’ai longtemps pensé que le besoin d’écrire se faisait sentir lorsque je manquais d’air, d’où la nécessaire urgence.
J’ai longtemps cru cela, mais je n’y crois plus, du moins plus de la même manière... j’allais écrire, plus sur la même tonalité (tragique, pathétique ?).
Certes j’ai ce besoin d’écrire qui me vient - restons humble- de mon assez longue fréquentation de l’écriture, assez longue pour qu’elle devienne une maudite habitude. L’analogie de l’urgence, exprimée en termes de respiration (le souffle des poètes !) est nettement plus véridique si on l’exprime sous l’angle d’une habitude tellement ancrée qu’on la considère vitale, je fais allusion à cet autre oxygène: la fumée de cigarette !
Je pourrais me taire et je suis sûr que je n’en souffrirais presque pas. C’est cette cruelle vérité qui est à la base, je pense, de cette fiction de l’urgence, idéologie dont je n’étais pas le seul à partager.
En fait, cette fiction est une rationalisation pour donner une justification à cette dépense de temps et d’énergie que représente l’acte d’écrire au quotidien.
Pourquoi ne pas voir au-delà du tricot habile des idées que si j’ai écrit et que je continue à écrire, malgré le solipsisme pathétique de la poésie qui la déguise en vieille folle grise, ce n’est pas pour éloigner la mort, mais tout simplement pour donner un sens à ma vie.
Non, c’est encore trop tricoté...
Si j’écris c’est pour avoir l’impression de contrôler ma vie, aujourd’hui, dans cet univers sous pression qu’est le monde moderne.
J’écris pour échapper à l’angoisse de me croire manipulé par des intérêts qui me dépassent. J’écris pour échapper à ma paranoïa !
Et vous, pourquoi écrivez-vous ? Pour étirer votre malheur, pour anticiper votre bonheur ? Parce que vous êtes seul ? Parce que vous voulez dialoguer avec votre âme des choses qui lui font peur, la provoquent et l’excitent ?
1 commentaire:
Ta réflexion me touche beaucoup. Henri Laborit, un biologiste a écrit "L'éloge de la fuite". Pour lui dans notre corps coincé entre l'inné et l'acquis et dans notre société ultra-conditionnée, la seule expression possible de liberté est la fuite. La poésie est pour moi cette fuite qui me permet de me sortir des persona que j'ai crée pour survivre ou celles qu'on attend de moi. Il m'arrive parfois de faire des exercices de style, mais la poésie que je préfère n'obéit à aucune règle, ne cherche pas ses effets mais explose en tout sens, "moon" le rationnel, dérègle les sens comme disait l'autre. Quelque chose qui me rapproche de la magie.
J'écris parce que je n'ai rien d'autre. Je n'ai ni les griffes du tigre ni la force de l'ours, aucune fourrure pour me protéger, je ne sais pas cuisiner ou faire des acrobaties. Je n'ai rien d'autre que des mots, et j'ai toujours eu l'intention de m'en servir comme bon me semble, sans foi ni loi.
Marie-Paule Grimaldi
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