lundi 29 septembre 2008

Réflexion sur la poésie et son frère cadet.


Maison d'Arthur Rimbaud à Tadjoura

Le texte qui suit a été composé suite à la lecture de commentaires laissés sur mon blog (qui fusent dans tous les sens) (En passant, le Petit Robert accepte l'othographe "blog"...)

Plusieurs personnes se posent des questions sur le slam, comme plusieurs s'en posaient, par exemple, à l'époque du formalisme.
La poésie ne se laisse enfermer dans aucun système. Elle est rebelle, en continuelle rupture et, en même temps, bonjour le paradoxe, elle est éternelle. Elle est notre propre insuffisance, notre difficile insuffisante. La poésie bouscule, appelle les questions, snobe les réponses.
Plusieurs personnes s'interrogent et c'est parfaitement sain. Pendant que la poésie se simplifie dans le slam, son opposition s'organise. Pourquoi ? Parce que c'est le propre de la poésie de tout remettre en question, toujours et tout le temps. La poésie est une pierre lancée qui file entre les molécules de l'absolu. Vous l'attendez à un endroit, elle vous surprend ailleurs.
Pratiquement toutes les générations du vingtième siècle ont défini la poésie à leur manière, pourquoi en serait-il autrement ?
La poésie travaille un matériau en perpétuelle transformation (la langue), pas surprenant qu'elle en ait pris le plis.
Je suis 100% d'accord avec ceux qui questionnent les consensus.
Si le slam a à peine 20 ans, je vous rappelle que la poésie aurait environ 8000 ans. En fait, elle est plus vieille que l'écriture elle-même.
Il y a des gens qui lisent et écoutent de la poésie depuis 10, 20, 30 ou même 40 ans qui se posent des questions sur la véritable nature du slam. Leur répondre que c'est un moyen de communication, où l’on exprime ses émotions, ne leur apparaît pas du tout une réponse intéressante. Il y a longtemps que les poètes ont suggéré des réponses nettement plus élaborées et subtiles. En quoi un lecteur d'Arthur Rimbaud serait-il charmé par un Grand corps malade ? En quoi un lecteur de Louis Aragon serait-il intéressé par une suite de rimes pauvres qui mélange sans égard rimes féminine et masculine, dans la parfaite méconnaissance des règles qui existent depuis si longtemps ? En quoi un lecteur de Paul-Marie Lapointe serait-il intéressé par une poésie circonstancielle ?
Il est normal que nous nous posions des questions, c'est cela le moteur de la poésie. Depuis un maudit bout de temps !
Voilà pourquoi j’aime bien que les opinions circulent et que les débats se fassent. Je ne serai jamais tanné d’entendre les gens remettre la poésie en cause, car c’est ainsi qu’elle a toujours évolué. Et j’ose espérer que son petit frère, le slam, subisse le même sort. Dans la radicalité de l’être.

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Prochain billet : des souvenirs de Denis Vanier, sur le trottoir, et du slam, sur la scène.

6 commentaires:

Myriam a dit...

Dans la radicalité de l'être.. j'adore.. merci.

Merci pour ce recadrage du contexte poétique qui entoure le slam, du contexte sociétaire même, je dirais.

Et merci de permettre le débat d'idées, dans le respect de l'autre, bien sur :)

Myriam

Mario Cholette a dit...

De rien, Myriam !
:)

Jack a dit...

Texte d'un grand prof! C'est vrai que la vieille figure, disons-le : la vieille face de la poésie précède, en fait, la philosophie même. La poésie, c'est l'enfance et ses inénarrables balbutiements. D'où le paradoxe du recommencement des saisons de la parole dans une vieille cloche de vers. Mais en fait, vu du petit bout de la lorgnette, c'est le slam de maintenant qui est est vieux puisque l'aujourd'hui dans lequel il émerge porte toutes les nuits du monde.

Anonyme a dit...

Je me demande en quoi parfois nous ne pouvons pas critiquer le slam (sous prétexte que c'est un style diversifié et un libération d'expression et de pensées). Il me semble que, se fiant aux exemples les plus populaires, le slam s'attarde beaucoup plus au fond qu'à la forme, ce que je trouve fort étrange. Vivre la liberté d'expression, mais cet expression me semblerait tellement plus agréable si elle n'était pas soutenue que par des rimes pauvres et des vers simplistes. Ma perception du slam se voit comme étant un concept plutôt qu'un style, bien que le slam soit fait pour être entendu et que cela influence fort probablement le style de certains. Il me peine aussi de voir les "émotions" l'emporté de manière constante sur la qualité des poèmes. Selon moi, n'importe qui peut faire véhiculer un émotion, même un enfant de deux ans, la question n'est pas si il y a ou pas une émotion de véhiculée, mais comment est-ce que c'est fait, dans quel optique, à quel sujet...Tout cela dit, j'adore le slam, mais il me semble qu'il serait fort plus interessant si un lecteur d'Arthur Rimbaud pouvait en effet être charmé par le slam et que la forme ne prenne pas toujours le bord laissant chemin libre qu'au fond, ce serait comme 750 ml de vin sans bouteille pour le contenir, ca ne fait que des dégats et des tâches.

Christian Roy, aka Leroy a dit...

Excellent texte Mario. Je suis content que toi aussi tu remettes le slam en contexte et que tu y ailles d'une analyse fine montrant que la poésie est insaisissable.

Mais je rejoins beaucoup Francis//géode. Il n'y a pas que l'émotion et le fond qui comptent. J'ai découvert le slam par l'entremise des poètes américains Taylor Mali, Anis Mojgani, Saul Williams et Steve Coleman. Aucune rime plate là-dedans. Aucun sensationnalisme ou racolage. Et surtout, des voix singulières, uniques, qui placent le Je au centre du slam.

Ce qui me gave le plus en slam, c'est le constat social qui dépasse rarement l'état des lieux, comme dirait Jack. Mais bon, le slam est jeune au Québec. Donnons-lui une chance un peu, tout en étant exigeant poétiquement.

À mon avis, ça passe par un meilleur encadrement du jury. Ce n'est pas juste une question de «j'aime ou j'aime pas» ou de «ça m'a touché». C'est aussi une question de présentation, de forme, de structure. Soit, le slam doit être accessible pour le jury, et Anne Hébert a bien montré qu'avec des mots simples on peut faire de merveilleux poèmes. Que la poésie n'a pas à être hermétique pour être.

Mais l'accessibilité est le leurre de l'art, et dans l'accessibilité réside souvent le compromis artistique. Si le slam devient vulgaire étalage d'émotion, aussi bien repartir la compagnie sous un autre nom (tiens ça rime ;-)

Anonyme a dit...

Mise en contexte rapide, je viens de sortir d'une compétition de slam et suite a une conversation j'ai quelques trucs qui me pèsent sur le coeur en ce qui concerne le slam. Durant ce bref entretient, on ma mentionné quelques propos avec lesquels je ne suis tout simplement pas d'accord. Premièrement, on ma dit que, ce qui est intense dans le slam c'est que deux genre de poésie peuvent coexister harmonieusement sur la même scène et que le slam c'est un forme d'expression et un opportunité ou l'on peut passer un message... d'accord ... est-ce que cela fait conséquemment du slam une forme d'expression intouchable que nul ne peut critiquer (car, bien sûr les goûts sont dans la nature)?? Selon moi non, mais bon. On ma aussi dis que le slam c'est une manière d'intéresser les habitués de la télé à la poésie, je n'ai absolument rien contre le fait que la poésie se propage parmi tous et que tous peuvent jouir de ses splendeurs, mais que fait-on des poètes, sont-ils condamné à de la poésie à rime simple et à des images quotidiennement émouvantes? Je me pose la question sérieusement, car, tandis que moi personnellement je tripe sur les allitérations (répétition de consonnes) et des trucs dans le genre, on m'a dit que j'ai plus ma place dans des événements slams, mais personnellement, tandis que je trouve le slam critiquable, serait-ce possible de me mesurer contre des gens qui ont la moindre connaissance en poésie (participantes et participants de la soirée, ne vous en faites pas, je ne vous vise pas). Je suppose que je suis un poète phonétique à la limite, je fais de la poésie qui est faites pour s'entendre, mais je ne suis pas d'accord avec tous le principes du slam (désolé, vague de réflexion égocentrique). Bref, bonne nuit à vous tous.